Facebook A.L Legrand - Arcaëlle et autres

Le premier des mzékils fut Mzék’Han, ingénieux inventeur qui, avec Taho’Han, premier des tahoras formaient un parfait duo pour la chasse. L’un usant de son imagination et l’autre de magie. Lors d’une traque, le grand arcaëllien aux ailes aussi noires que sa chevelure sauva son ami grâce à sa dernière invention : l’arc. C'est durant une nuit sans lune, que Mzék'Han avait reçu la visite d'Othab le Dieu de la chasse. Il lui était apparu dans un rêve, sous la forme d'une grande bête féline, aux aspects humanoïdes, afin de lui inspirer l'idée de cet arme pour traquer le gibier sans prendre de risque.

Ce jour là, les deux amis traquaient un troupeau de din'otorâs. Cela faisait plusieurs jours qu'ils suivaient la piste de ces grands mammifères qui laissaient derrière eux de distinctives traces de sabots à deux doigts. Taho'Han les repéra de loin, malgré leur pelage brun et strié de marbrures dorées, qui les confondaient avec les arbres de la forêt. Il y avait deux mâles, facilement discernables à leurs grands rameaux qui poussaient sur leur crâne, et plusieurs femelles. L'un d'eux, possédait de grands yeux bleus qui attirèrent l'attention du tahora.

« Ma fille… Vais-je savoir te protéger de ce monde ? Tu sembles si petite… Si fragile. » Il embrassa Meÿ’Lindha avec tendresse. « Pourquoi ? C’est si injuste… » Murmura le grand arcaëllien. « Si soudain... » Il laissa couler des larmes en soupirant. « Mais je ferais ce qu’il faut pour que tu affrontes tout cela... » Il déposa un tendre baiser sur le front de Meÿ'Lindha et murmura : « Comme tu le dois. »

Le bébé bougea sa petite main, poing fermé, vers le ciel. Sa respiration était calme, apaisante pour ce père au cœur déchiré entre le devoir et l’amour. Meÿ’Lindha avait tant à apprendre, tant à appréhender. Comment pourrait-il la préparer ? La rendre forte et avisée ? Le regard bleu du tahora semblait ailleurs, comme s’il devait réfléchir. Cette enfant était unique. Un cadeau offert par les Divinités afin de rétablir l’ordre des choses, libérer le peuple de l’oppression des Mzék’Han. Meÿ’Lindha ouvrit les paupières et son regard innocent se posa sur cet arcaëllien fort et doux. Axël caressa le visage de son enfant de ses prunelles aimantes. La culpabilité d’avoir à offrir une vie telle que celle qui attendait son enfant le rongeait. Il murmura avec douceur et tristesse :

« J’espère que tu me pardonneras, Meÿ’Lindha. » Il secoua la tête. « Je sais que ton avenir sera guidé par les desseins divins… » Il berça la petite qui commençait à, pleurer. « Oh, ma petite, mon bébé… » Il la câlina, la serrant contre lui. « Pardonne-moi.
- Que… » S’étonna la mère, une pointe d’inquiétude dans la voix. « Que racontes-tu, Axël ? »

Se rappelant soudainement qu’elle était dotée d’ailes, Meÿ’Lindha vola jusqu’à la cime du grand orme, effrayant quelques oiseaux dont une étrange buse. Depuis son perchoir, elle voyait sa clairière natale. Fronçant les sourcils, elle distingua des formes autres que les membres de sa famille. Elle comprit immédiatement qu’il s’agissait de soldats tenant des torches postés juste à côté de l’écurie en flammes. Les cochons hurlaient et leurs cris ressemblaient à celui d’enfants à l’agonie, la vache et son veau meuglaient. Les bêtes sentaient la mort les happer. Seuls les chevaux et la bsurt grise d'Ank, Möak, avaient été épargnés, probablement avaient-ils un tant soit peu de valeur aux yeux des monstres ayant fait intrusion ici.

Sïj lëk älkÿ mïe öznaëlk’coakmës, ïke hömnak naöznÿ älkÿ mïe kalöùrñ’maynaïk. Ölñ löùmäan ükal jaönmel sïj hunaponÿ ïe saël’m’Veal-naök mïe üazber‘läktÿar.


Et quand dans les méandres de la terreur, mon âme sombre dans les abysses de la folie. Ta voix me revient et balaie d'un raz-de-marée d'amour les ombres de la peine.

Zaäkh se retourna et détailla la pauvre enfant dont les os saillaient sous sa peau tendue. Son collier d’esclave semblait trop grand, tout comme ses ailes blanches. Ces dernières étaient attachées par un arceau en fer forgé qui était assurément trop lourd pour la jeune tahora. Zaäkh haïssait cette loi sur l’esclavage. Comment pouvait-on priver un innocent de sa liberté ? Cela lui était impensable et pourtant… Il s’agissait d’une réalité dans cet Empire. L’arcaëllienne, inclinée aussi bas que possible, avait des cheveux rouges, ras, ainsi qu'un visage émacié, d’une pâleur maladive. Son expression laissait transparaître les craintes de l’enfant âgée d’à peine seize ans. Le prince, d’un geste de la main, la congédia. La jeune arcaëllienne sortit en reculant, le dos courbée, le regard anxieux. Une fois qu’elle eut quitté les appartements princiers, Zaäkh implora en son for intérieur, Thaä de faire quelque chose pour cette gamine. Le mieux serait sans doute qu’elle rejoigne le Royaume de Gar’Haz. La mort serait une libération pour elle.

L’adolescente poussa un cri de surprise et de peur, une peur viscérale qui envahissait tout son être. La vue de cette chose immonde à huit pattes provoquait en elle une panique incontrôlable. C'était un traumatisme qui sommeillait en elle depuis que son père l’avait obligé à manger de ces bestioles par la force. La moindre de ces petites créatures lui rappelait ces atroces et douloureux moments. Elle entendait encore Axël lui crier dessus : « Si tu n’as rien à manger, faudra te contenter d’insectes ! Alors, tu manges cette tarentule ! » Meÿ’Lindha se souvenait avoir pleuré et supplié, gémissant que ça la piquait et lui donnait envie de vomir. Son père l’avait alors corrigée et elle avait dû tout reprendre du début : arracher les pattes de la créature arachnéenne et mettre le corps velu dans sa petite bouche d’enfant.

Des espions surveillaient sans relâche le campement des assaillants. La méfiance était de mise, les résistants n’étaient pas à l’abri d’agents doubles. Afin de se préserver de ces arcaëlliens, les informations de la Résistance étaient souvent transmises à des personnes de confiance par un noil’kal. Ces créatures imposantes à la fourrure brune aux reflets verts, possédaient au niveau du front une épaisse excroissance rouge permettant de protéger leur cerveau. C’était un héritage de l’évolution qui leur avait permis de développer d’incroyables facultés d’analyse mais surtout de télépathie, faisant d’eux des messager et espions redoutables. Du fait de ces capacités et qu’ils possédaient un œil bleu et un œil rouge, une particularité qu’ils partageaient avec la Divinité créatrice, ils étaient souvent nommés messagers de Thaä. Étant en mesure de sonder l’esprit de ceux avec qui ils transmettaient leurs pensées, ces animaux respectés de tous, étaient parfaits en temps de guerre pour s’assurer de communications protégées. Ils pouvaient ainsi détecter les traîtres mais n’étaient pas à l’abri de semi-divinités perfides dotées de pouvoirs psychiques et d'occultation.

Ta cou mi ié hic aise ère tchi kee ane snaa ale, to o ugh na o que hic aise r nii zaé poo que ga

Un soir elle croisa un vieil arcaëllien, un früll dont les pics dans le dos semblaient bien épars. Le vieillard s’était assis sur une pierre, épuisé. Meÿ'Lindha, prenant son déjeuner, l’observait d’un œil inquiet et curieux. Le voyageur dû sentir le regard de la jeune demoiselle car il tourna la tête il lui fit un sourire édenté. Son long museau remua lorsqu’il éternua. Il était facile de comprendre qu’il était malade en plus d’être épuisé. L’Enac, malgré ses nombreux défauts, avait bon cœur. Ayant chauffé de l’eau pour se faire un bouillon,  elle attrapa une gamelle et y versa le repas chaud. Elle se leva,  s’approcha du früll grelottant, et lui tendit son écuelle.

« Tiens, l’ami. Un petit bouillon. ça vaut pas celui de ma mère mais, il te réchauffera. »

Il sembla surpris mais finit par prendre le bol fumant. Ses petits yeux noirs, semblable à deux billes avaient l’air d’être illuminées d’une joie sincère. Il avala le maigre et délicieux repas. Il rendit l’écuelle à la jeune arcaëllienne et dit d’une voix chevrotante :

« Merci, petite. » Il sortit une pipe aussi vieille que lui et une blague a tabac. « Tu as bon cœur. » Ajouta-t-il en bourrant l’instrument. « Je me nomme Ethaëñ. » Il alluma avec le fluide mez son tabac. « La magie du feu est utile pour les vieux bougres dans mon genre. » Assura-t-il dans un rire grinçant. « Que fait une enfant ici ?
- Une enfant ? » Répéta bêtement Meÿ'Lindha. « Je n’en suis plus une, monsieur !
- Pourtant tu m’sembles pas avoir passé les vingt ans. Et... » Il fit un clin d’œil. « Pour une tahora c’est encore jeune ! » Il rit en la voyant porter la main vers son épée. « Du calme petite. J’te veux pas de mal. Je suis prêtre de Thaä. » Dit-il d’un air entendu. « Je sais qui tu es, mon enfant.
- Thaä te l’as dit ?
- En rêve, oui. » Il soupira et posa sa pipe avant de se rouler en boule sur la neige froide. « Mon seul souhait a été exaucé. J’ai vu l’Enac. Je peux rejoindre l’Autre Rive.
- Mais... » S’exclama la tahora. « Tu peux pas mourir comme ça, ici, seul !
- Seul ? Le crois-tu ? »