Tes années en maison de correction furent, pour toi, pire que les conditions de traitement infligés aux détenus du Camp de Guantánamo. Oui, la comparaison peut paraître extrême, mais lorsque, à quinze ans, l'on est séparé coup sur coup de son père emprisonné pour un crime dont tu le pensais innocent, et de sa mère, la comparaison n'a rien d'exagérée. Surtout que, parce qu'ado récalcitrant, tu te mangeas régulièrement des baffes, des coups de ceinture et des privations de repas par les éducateurs qui espéraient que ça te ferait rentrer dans les rails. Ca n'y changea absolument rien.
Au milieu de ce capharnaüm s'opérèrent les différents changements qui incombent à un adolescent en plein développement, avec la découverte de sa sexualité et tout le tsouin tsouin. Toi qui n'avais plus aucun repères ni affection, tu te mis donc à enchaîner les relations amoureuses. Quoi que, histoires sans lendemain serrait peut-être un terme plus juste. Tu cherchais quelqu'un à aimer et qui t'aimerait, mais tu ne savais plus ce que c'était que d'aimer et tu n'avais plus assez confiance dans les gens pour t'engager sérieusement. Des histoires foireuses et toxiques, tu en enchaînas beaucoup. Tu trompais beaucoup et on te trompait beaucoup. Relations sexuelles à trois, partouzes et gang bang à gogo. Bien souvent pas tendres pour un centime. Des viols, parfois, peut-être, où tu te retrouvais à devoir faire des cunni et autres fellations ou à en subir - avec une sodomie en prime, c'était le jackpot! - alors que ça ne te tentait peut-être pas plus que ça. Quoi que, pour le coup, tu étais dans un tel état de mal être et de souffrance que, aujourd'hui encore, tu ne saurais dire si viols et attouchements sur ta personne il y a vraiment eu.

A dix-huit ans, ton bac obtenu de façon limite et par on-ne-sait-trop-quel-miracle en poche, tu fus mis dehors de la maison de correction.
Tout en continuant tes relations toxiques, tu fus, pour un tant, soulager, de ne plus avoir à supporter les sévices des éducateurs. Mais ça ne résolvait pas le problème que tu étais désormais à la rue. Tu avais trop honte de ce que tu étais devenu et tu étais trop fier pour te présenter ainsi à ta mère. Elle qui t'avait toujours tant aimé et qui te manquait tellement que tu aurais pu en crever de ne pas savoir comment elle allait. Pourtant, après ce qui te sembla être une éternité à vivre dans la crasse, le froid et la rue, squattant de temps à autre la chambre d'un amant ou d'une maîtresse d'une nuit contre une relation sexuelle, tu finis par la rencontrer. Elle. Cette personne travaillant au centre pour jeunes en difficultés. Cette dernière, peu à peu, avançant d'un pas pour en reculer de cinq, fini par apprivoiser l'animal sauvage que tu étais devenu.
Elle avait compris que tu avais besoin d'être valorisé, écouté, respecté. Que tu avais besoin d'être considéré comme une personne à part entière et pas comme une merde sur qui l'on pouvait cogner à tout va sous le seul prétexte que l'on était une figure d'autorité. Elle fit tout ça, tout en s'arrangeant pour te trouver une chambre au centre, histoire que tu es un endroit où crécher. Et malgré ton côté récalcitrant qui faisait que tu n'arrêtais pas de cracher et de mordre tout le monde, à l'image d'un chat ayant passé trop de temps dans la rue et que l'on doit sociabiliser avant de pouvoir le mettre à l'adoption, cette personne ne ta lâcha pas. Et si tu lui fis perdre patience, elle ne te le montras jamais. Ou, tout du moins, jamais avec violence, car elle savait que pour des jeunes en difficultés, être violent avec eux, ça ne menait à rien.